mardi 15 juin 2010

Flagornerie et variations sur « j'aime beaucoup ce que vous faites »

(…) plus communément connue sous le nom de lettre de motivation. Enfin, au début, c'en était une…


« Notre Directeur qui êtes aux cieux avec Papa,

J'aime beaucoup ce que vous faites.

Depuis bientôt vingt-sept ans que s'étire mon existence, je n'ai jamais eu qu'un seul rêve : devenir un jour un maillon de la formidable chaîne que représente votre entreprise, devenir un atome insignifiant de cette œuvre magnifique. Si le jour m'a été donné, je le sais, cela n'a été que pour que je sois illuminé par cette certitude absolue. Et aujourd'hui, aujourd'hui, enfin, j'ai la foi du charbonnier.
Au-delà des croyances, j'ai le sentiment profond d'être né pour accomplir une tâche en ce monde, une tâche toute particulière : faire partie de votre entreprise. Laissez-moi vous conter la chose, car c'est grâce à vous que je l'ai vue à mes yeux révélée.

Quand pour la première fois je croisai votre enseigne, ce fut comme une apparition. Je la vis, je rougis, je pâlis à sa vue, en un mot comme en cent je l'aimai. Contre vents et marées, je fus déterminé à poursuivre ce but que j'avais découvert : quand bien même la mort m'eût arraché à vous, je serais revenu du royaume des ombres.

Il est vrai, mon parcours n'est pas des plus glorieux, mais il faut bien dire que ma vie n'a pas été un berceau de roses : orphelin dès la naissance, j'ai été élevé par un vendeur de saucisses à la sauvette, que j'ai perdu à six ans dans un malheureux accident vestimentaire (l'horreur de ces instants me réveille encore parfois au milieu de nuits d'une sourde terreur). J'ai été recueilli par binis lutris qui m'ont élevé pendant trois longues années avant d'être rattrapées par la police judiciaire de leur pays natal.
Malheureusement j'avais auprès d'elles acquis de fâcheuses habitudes, et mes premières années d'existence furent ainsi prélude à ma vie de hors-la loi. Perdu, désemparé dans un monde qui ne voulait pas de moi, j'ai commencé moi aussi à me mettre les autorités à dos. Ce furent d'abord les policiers de mon quartier, le vol à la sauvette, mais je n'en restai pas là. Rapidement mon influence s'étendit, et en deux ans j'étais connu des services secrets internationaux. Tueur à gages d'exception, maître du grand banditisme, parrain de la mafia, virtuose de l'arme blanche, j'étais tristement célèbre… J'étais célèbre, oui, mais un mal me rongeait, un mal que je sentais mais ne parvenais pas à comprendre. Et c'est grâce à vous, ô Luminaire céleste, que j'ai enfin pu constater toute l'étendue de ma déchéance.

Voyez-vous, c'est la vision de cette enseigne sublime qui me procura la conscience de tous les malheurs que j'avais perpétré autour de moi, qui me redonna foi en moi. Sans votre entreprise, jamais je n'aurais pu emprunter le chemin de la rédemption.
Voilà pourquoi je vous offre aujourd'hui une vie sacrifiée à la juste cause, voilà pourquoi je vous rends maître de mon destin, ô vous qui sûtes me tirer d'une lente et inéluctable descente aux enfers. Sans même m'en rendre compte, alors que j'étais pris dans des sables mouvants on me tendit une perche : cette perche, c'était vous. Alors que j'étais au fond d'un puits abyssal on m'envoya une corde : cette corde, c'était vous. Qui tendit la perche, qui envoya la corde ? Je l'ignore. Tout ce que je vis fut le néon divin de votre entreprise qui fit jaillir sur ma vie la couleur de l'espoir.

Mon sacrifice paraît bien dérisoire au regard de l'intervention salvatrice dont vous avez été le glorieux meneur, mais je vous prie d'accepter l'offre du pauvre mortel que je suis et de jeter sur ma vie un œil bienveillant. Je vous demande, ô vous, artiste de ma renaissance, de prendre sous votre aile paternelle un oisillon tombé trop tôt du nid. Que les grâces vous soient accordées pour l'immense sagesse dont vous savez faire preuve, que votre divine lumière éclaire à jamais mon destin.
Je vous prie de recevoir en votre sein une âme en peine et de lui pardonner ses errances passées pour lui offrir un chemin vers l'avenir.

Je saurai, par la force de ma volonté et par l'amour infini que je vous porte, apporter à votre entreprise un membre sans failles et sans reproches. Je m'intègrerai avec aisance au sein de vos troupes et saurai renforcer un groupe dont la cohésion sera désormais éternelle.
Si vous m'en offrez la chance, je saurai sauver des enfers les brebis égarées qui parcourent encore le monde sans même avoir conscience de leur propre désespoir. Je saurai tous les orienter vers le chemin de la rédemption et du repentir pour leur offrir un avenir nouveau. J'aiderai à sauver leurs vies comme vous avez sauvé la mienne. Je vous aiderai à faire de ce monde une terre nouvelle, une terre de bien, une terre où tous auront la chance de vous voir comme je vous vois aujourd'hui.

Ô Bienfaiteur, donnez-moi la chance d'être aimé de vous. »

7 commentaires:

  1. Épatant comme toujours.
    Tu devrais l'utiliser, si jamais il te prend l'envie de rentrer en fac de droit. Ou a l'ENA encore plus drôle.

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  2. Merci bien =)

    Pour l'ENA, à moins de la glisser dans une copie de concours ce sera difficile, mais tout reste possible.

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  3. Non moi je vois ca beaucoup mieux à envoyer à un McDo ou à un supermarché pour faire caissier, j'imagine le gars qui lit ca dans une candidature XD

    (D'ailleurs je suppose que c'est à ca que tu as pensé quand tu l'a écrite, presque je te la piquerais bien ^^)

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  4. (Vas-y, faut bien que ça serve.)

    À vrai dire, je n'ai pensé à rien de particulier, mais « entreprise » passe mieux si c'est une entreprise (simple supposition).

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  5. Oui, mais vu le passé du bonhomme, une grande institution c'est carrément plus fun.
    Enfin, j'dis ça, ça n'est que mon avis.
    Je le redis, c'est bien, c'est tout ce qui compte.

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