jeudi 25 mars 2010

Chroniques oubliées (1)

Voilà, comme il est actuellement 9h21 et que hier c'était la Sainte Louise, j'ai décidé d'écrire une histoire à la cohérence douteuse, dont je publierai des petits bouts de temps en temps (pour cause de faille temporelle fortuite, cet article sera publié plus tard que ce que l'on pourrait croire, il ne sera donc pas 9h21, et nous ne serons pas au lendemain de la Sainte Louise mais de la Sainte Casserole, voire de la Saint Tapis si on a de la chance (comme Bernard (pardon, scusez-moi (mais quand même, la mise en abyme des parenthèses est un procédé stylistique qui devrait être utilisé plus souvent (surtout si on tient à perdre son lecteur))))). Le style désagréable de l'écriture compensera largement l'intrigue, bancale, qui vous amènera au devant de personnages inintéressants. Vous voyagerez avec eux au travers de paysages d'une affligeante banalité, traversant des contrées désertiques autant que des contrées encore plus désertiques. C'est pourquoi c'est tellement bien que vous pouvez le lire sans aucun risque d'apprécier. D'ailleurs, parce que c'est original et audacieux, je vais commencer à partir de la première partie.




La ville s'éveillait. Si un observateur avait pu se tenir au-dessus, il aurait entendu comme un bruissement qui s'élevait des bâtiments encore plongés dans l'ombre. Le bruissement allait crescendo, peu à peu, devenant un frémissement presque palpable. Puis un rayon de soleil frappa le clocher du Pigeon, ce fut comme un signal. Un coq chanta, accompagné d'éclats de voix. À mesure que la lumière se déversait dans les rues, des silhouettes sortirent des habitations. Les commerçants exposèrent leurs étals, les boulangers sortirent de leurs fourneaux. La ville se racla la gorge et s'étira. Puis se leva.
Un joyeux désordre auditif et visuel envahit les artères principales de Leshrac. La ville fourmilla de toute une population en mouvement. Les gens se croisaient, se mêlaient, se bousculaient, s'alpaguaient. La journée venait de naître, et les rues respiraient l'activité bruissante d'une cité en pleine santé.
Le soleil était complètement levé à présent. Aujourd'hui était jour de fête, et on le sentait. L'atmosphère était plus sucrée que d'ordinaire, la population plus nombreuse, les commerçants plus affairés. De la musique s'élevait de toutes parts, des parades colorés parcouraient les rues. Bref, l'allégresse régnait.

Plus profond dans la cité, au cœur des ruelles serrées du quartier Sombre, le réveil était plus tardif. Maxwell roula sur le côté, tomba de son lit puis rampa jusqu'à la salle de bains. Une fois sa préparation matinale achevée, la paupière encore lourde et hésitante, il se traîna jusqu'à la porte et sortit. Contrairement aux autres parties de la ville, le quartier Sombre était silencieux. Le brouhaha quotidien y parvenait comme à travers un mur épais et rembourré. Et ce n'était pas dû à la distance : le promeneur qui entrait dans le quartier Sombre passait immédiatement d'une atmosphère de joyeux chahut à un calme passablement inquiétant. Inquiétant, oui, mais seulement pour ceux qui ne connaissaient pas le terrain. Les autres savaient bien que le seul danger auquel on s'exposait en entrant était de rencontrer un mystérieux homme masqué vêtu de noir et avec un certain penchant pour la menue monnaie.
Les mystérieux hommes masqués étaient légion dans le Sombre. Mais quand les passants refuser d'apporter une contribution monétaire à leur activité, il n'étaient pas si terribles : ils faisaient toujours attention à ce que la famille retrouve le corps. Et quand le passant tentait courageusement de se défendre, ils veillaient toujours à ce qu'on retrouve les corps de la famille. Ça, c'était du savoir-vivre. Personne n'avait jamais tenté de savoir qui étaient ces mystérieux hommes masqués. Oh, un dirigeant avait bien essayé de les éradiquer, quelques dizaines d'années plus tôt. Il était tout de même resté en vie plus de sept jours. Un personnage héroïque.
Les habitants du Sombre, passés les premiers mois, finissaient par vivre en bons termes avec eux. Entendez par là qu'ils les rencontraient un peu moins souvent.
C'était le cas de Maxwell, qui vivait ici depuis toujours, pour ainsi dire. Le pas encore un peu hésitant, il se dirigea vers le centre-ville, vers l'atelier des alchimistes. Ici travaillaient la majorité des alchimistes attitrés de la ville. Ou du moins, c'est là qu'on les avait réunis en espérant deux choses : premièrement, qu'il en sortirait de temps en temps des choses intéressantes ; deuxièmement, que les dégâts seraient restreints à un cadre relativement étroit. Globalement, les deux objectifs étaient à peu près atteints. Personne n'osait s'y aventurer, en dehors des alchimistes eux-mêmes, qui connaissaient le terrain mieux que personne. Même eux ne pouvaient éviter quelques menus accidents. Maxwell, fait assez rare, était encore entier et avait gardé sa coloration première.
À peine sorti du Sombre, il fut assailli par la ville en hyperactivité, et se trouva obligé de se frayer un chemin dans la foule grouillante. Pour ne rien arranger, aujourd'hui était le bicentenaire de la naissance de Siblag l'Ancien. Aucun intérêt pour Maxwell, mais cela ne faisait qu'attirer encore plus de monde. Il était en retard, trop en retard. Le retard était une composante essentielle de la situation d'alchimiste, mais il fallait savoir doser avec précaution, comme pour les autres facettes du métier d'ailleurs.

Elle courait en face de lui, se glissant avec agilité au travers de la foule. Rapidement, elle se dirigeait vers lui et le Sombre. Quelque chose dans son attitude attira l'attention de Maxwell. Elle semblait fuir quelque chose. Derrière elle, quelqu'un vêtu d'une longue cape brune, le visage masqué sous un capuchon. Humain ? Peut-être pas. En tout cas, il se déplaçait avec la même aisance qu'elle, et semblait sérieusement décidé à la rattraper. Ce genre d'événements étant assez courant à Leshrac, personne n'y prêtait attention. Maxwell réfléchit l'espace d'une seconde, puis, après tout…. La beauté de la jeune femme valait bien une éternité de retard. Il revint à l'entrée du Sombre et attendit. Quelques secondes et elle était parvenue à son niveau. « Par ici ! » lui lança-t-il. Elle l'observa, un instant, puis acquiesça. Il se mit à courir, s'engouffrant plus avant dans les étroites ruelles du Sombre. L'homme (ou pas) derrière eux n'avait aucune chance. Maxwell était presque né ici, et connaissait ce lieu mieux que son propre appartement. Il arrivait même à certains mystérieux hommes masqués de lui demander leur chemin.
Au terme de multiples détours, ils parvinrent à semer l'homme (ou pas). Maxwell revint alors vers chez lui. Devant la porte, il interrogea la jeune femme du regard, elle acquiesça à nouveau, ils entrèrent. Il habitait au premier étage un appartement assez vaste. Alchimiste, c'était un métier rentable. Elle se dirigea immédiatement vers la fenêtre et observa avec attention la rue, puis ferma les rideaux.
« Aucune chance qu'il nous ait suivis, dit Maxwell.
- Tu n'as aucune idée de ce qu'il est. »
Sa voix était à son image : belle. Elle trahissait sa nervosité, aussi.
« Il est quoi, alors ?
- Dangereux. Il faut que je parte.
- Déjà ? Vous… euh… tu veux pas quelque chose à boire, avant ? »
Elle le regarda avec un air étrange.
« Je plaisantais, ajouta-t-il précipitamment.
- J'espère bien. Merci pour l'aide, à la prochaine.
- Attends, tu ne pourras pas sortir sans guide. Tu n'as jamais entendu parler du Sombre, n'est-ce pas ?
- Pas vraiment… »
Elle n'était pas d'ici. La curiosité de Maxwell ouvrit un œil intéressé.
« Je vois. Je t'aide à sortir si tu me dis d'où tu viens et qui est cet homme (ou pas). »
Elle éclata de rire. Cristallin. Maxwell tenta fermement d'empêcher son esprit de trouver systématiquement des qualificatifs soulignant le charme de la jeune femme. « Peut-être… » lui lança-t-elle avec un grand sourire. Il ne pouvait pas ne pas l'aider. Foutue beauté.

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