jeudi 18 mars 2010

J'ai rêvé d'une dryade...

… elle était bleue à pois roses.

Il fallait que ça arrive, un jour ou l'autre, alors autant que ce soit maintenant. À force de s'autoriser trop de liberté, on finit par faire n'importe quoi. Et puis bon, faut bien un article qui justifie la classification de ce blog dans « Vie perso/Journal intime ».
Dans le cas présent, il s'agit de parler d'amour. Celui avec les fleurs bleues qui sentent bon. Mais si, vous vous souvenez ? Celui des baisers sur fond de coucher de soleil flamboyant. Celui des nuits de pleine lune où l'on se promène main dans la main sur le plage. Celui qui vient un jour frapper à votre porte et s'invite dans votre vie. En général, c'est aussi celui qui a sa platée de potes derrière lui, qui débarquent peu après avec des packs de bière et foutent le bordel chez vous pendant une certaine durée, voire une durée certaine.

Il y a de cela peu de temps, il est venu. « Yo, c'est l'Amour », a-t-il dit simplement. À la fois curieux et sceptique, je l'ai laissé entrer. C'est là qu'il a commencé à me parler d'elle : « Mais si, regarde-la mieux. Écoute-la parler. Tu sens rien ? Non, certain ? ». Et il a insisté. Toujours curieux, j'ai fini par faire attention à ce qu'il disait. Et puis, heure après heure, j'ai remarqué qu'en fait, elle était vraiment… et puis aussi qu'elle… oh, et puis son air… merveilleuse…
C'est ça qu'il me disait, l'Amour, sournoisement : « Merveilleuse, elle est merveilleuse. »

Et il y croyait, lui. Il avait déjà pris possession d'une chambre chez moi, commandé une nouvelle moquette, ramené des valises pleines, changé les rideaux, mis en place un planning pour la vaisselle. Le problème, c'est qu'il y avait déjà un autre locataire. Au début, l'Amour il l'a pas remarquée. C'est vrai qu'elle est vachement discrète, elle sait se faire oublier. Elle loge au sous-sol et ne sort que quand elle sent qu'elle pourrait bien déranger un peu. Il ne s'attendait pas à trouver la Distanciation en face de lui. Au début, il parlait sans cesse, tout allait bien pour lui. Il étendait peu à peu ses zones d'influence, en bon stratège. Il me persuadait du bien-fondé de son point de vue, ne me laissant pas le temps de répondre, de réfléchir. Il était sur le point d'engager le combat contre la Raison quand elle est arrivée.
J'étais là aussi quand ça s'est produit, toujours en train d'écouter l'Amour, et puis j'ai entendu du bruit en-dessous, j'ai compris que la Distanciation avait décidé de venir nous rendre visite. L'Amour, lui, il a pas fait gaffe. Peut-être qu'il aurait dû. Il a entendu la porte des escaliers qui s'ouvrait derrière lui. Il s'est retourné, mais trop tard pour réagir. Elle lui a collé un baillon. D'un geste rageur, il l'a arraché ; j'étais déjà loin. Il s'est remis à parler mais je ne l'écoutais plus. Quelques secondes de silence avaient suffi.

Il existe un type qui a écrit un tas de trucs sur l'amour. Évidemment, il n'y en a pas qu'un, mais lui il est assez unique en son genre. Ce monsieur s'appelle Roland Barthes, et je vais l'invoquer (96MP, 3,5s cast time) pour un truc particulier : ce qu'il appelle un petit point du nez.
Ce petit point, en version technique, c'est une « production brève dans le champ amoureux d'une contre-image de l'objet aimé ». Le détail qui gâche tout. Pas forcément physique ; ça peut venir de n'importe où, même d'un seul mot, de sa façon d'écrire, d'un geste, d'un regard (mais faut pas déconner non plus).
La Distanciation avait permis la production de cette contre-image. À partir de là, ce fut le début de la fin, la chute de tous les bastions que l'Amour avait soigneusement mis en place : en fait, e
lle n'était pas si… et puis aussi elle… oh, et puis son air…

La Distanciation est une locataire intéressante, mais foncièrement désagréable par moments. Si elle vient s'installer chez vous, je vous conseille vivement de signer un contrat dès son arrivée :

« Je soussignée Distanciation, autorise la présence de ma demi-soeur l'Inconscience, et m'engage à ne pas perturber, par quelque moyen que ce soit, certaines des initiatives de ladite Inconscience aussi longtemps que la vie du propriétaire n'est pas mise en danger de façon directe et immédiate. Lesdites initiatives qui bénéficieront de cette indépendance seront déterminées de manière discrétionnaire par le choix dudit propriétaire. »*

(Personnellement, je lui ai fait signer ça en triple exemplaire, dont l'un est à l'heure actuelle dans un coffre blindé à Genève. J'en garde un second sur moi en permanence. Quant au troisième, il se trouve dans un cargo en partance pour les régions désertes de l'Arctique où il sera enterré sous la glace dans une capsule de titane. Seul le capitaine du vaisseau et moi connaissons les coordonnées du point d'enfouissement, et le cargo ainsi que son équipage disparaîtront de manière tout à fait mystérieuse durant leur retour.)


Sinon, hier j'ai rencontré un élan.


* À ce contrat peuvent s'ajouter un certain nombre de clauses dont la lecture ne sera possible qu'avec plusieurs loupes et un talent prononcé pour la graphologie.

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