samedi 25 décembre 2010

Invitation au voyage au centre de la terre des âmes oubliées

Note à l'attention du lecteur : ne pas s'y laisser tromper, il s'agit bien d'un article de Noël.


« Ernest S., tu es d'une incroyable mocheté. »

« Et j'ai dansé des larmes de feu aux chariots d'or de mon enfance. »
(Poésie, poésie.)

Non, « terre des âmes oubliées » ne provient de nul endroit répertorié dans les registres de ma connaissance, et oui, sonne effectivement comme une sorte de sous-produit d'une quelconque littérature fantastico-lacrymale. Mais je kiffe (du verbe « manger une pomme sans les dents est dangereux, même pour les enfants de saltimbanques »).

« Qu'est-ce que tu fais debout si tard, petit ? »

« Paysage bucolique… tu vas en brouter, du paysage bucolique. Et par la racine. Crois-moi ce sera pas une promenade de santé. »

Preuve qu'il s'agit bien d'un article de Noël, j'ai un crabe :



« HEY !! Listen ! »

« Un gamin comme toi, ça doit sûrement se poser plein de questions, non ? »


C'était l'introduction, l'introduction à la suite. Vous n'aviez pas le loisir d'en douter, confinés que vous étiez à une lecture à l'aveugle et sans espoir. Un principe que l'habitude a fini par vous dissuader de remettre en question.

Écrire à Noël, publier à Noël, réaliser à Noël, c'est tellement une tradition partout, et j'ai tellement une grasse neutralité à l'égard de tout ce qui se présente sous forme de tradition que j'ai décidé de me soumettre au joug de celle-ci, et de faire quelque chose en rapport avec l'esprit de Noël (es-tu là ?), avec les cordelettes luminescentes, les barbus rougeauds, toutes ces choses qui plongent les enfants dans un état d'excitation proche du coup de massue à l'arrière du crâne (je plaisante, j'aime beaucoup les enfants*).

Car à Noël, vous savez, on ne badine pas avec le bonheur. Tout débat naissant est épaulé par une chape de plomb joyeux qui vient s'étaler sur l'assemblée et déborder sur ledit débat. S'animerait-il de trop que quelqu'un surgirait du fond de sa chaise pour hurler « Noël ! » et observerait les combattants se retrancher dans leur silence, muselés par la nécessité de bonne humeur.
Oh non, point du tout ne crié-je sur la volonté de bon esprit ! Mais il est drôle de savoir que l'esprit de Noël (est-il là ?) inspire définitivement à tant de gens le sentiment que « c'est Noël », sans trop savoir ce que ce sentiment implique, sinon qu'il est bien.

« Argh, mais c'est affreux !
– Impossible, c'est Noël. »

Les motifs auxquels on croit, sont peut-être parfois plus importants que les véritables. Il n'y avait pas que du faux dans cette théorie.

Enfin bon… Après ce petit passage dont le seul fondement repose sur une idée somme toute pas si facilement défendable, revenons au concept « article de Noël » :

Joyeux Noël !

Tradition satisfaite : j'ai parlé de Noël et j'ai souhaité un joyeux Noël en couleurs, ce qui signifie que je peux reprendre le cours normal de l'écriture (oooooh que c'est beau ! encore cette conscience détachée qui se manifeste, la conscience du soi-écrivant, magnifique et presque irréelle dans son aura d'élévation ; décidément, c'est pas comme si on avait déjà vu ça, et pas comme si on allait le revoir).


« Je lève mon verre à ceux qui marchent de travers. »

Ta tata ta tata tata tata.

« Ho les pignoufs, on se remue la luette ! Sinon je vous envoie rejoindre la poiscaille. »

« Willostigma, viol de poney. »

Autobiographie de l'univers :
S'intitulera « Espace, temps et autres ». Comportera n tomes à l'instant t, 2n à l'instant t+1 ; chacun sera long, large, haut et durable de k/2 unités au standard TB. Retracera sa propre existence, dans les détails. Débutera à l'origine, tendra vers +∞. Sera consacré à l'homme un chapitre entier : « généalogie de la décadence ». Sera rédigé, pour la moitié en matière, pour l'autre en antitruc. Se révèlera fort utile à tout historien du néant. Ne sera pas une loutre. Mettra au jour l'intérieur de la substance et de l'immatériel. Sortira de son cadre d'étude. Sera conceptuellement relié au rien, n'incluant la notion de concept (et celle de notion) que dans le cadre du chapitre « généalogie de la décadence ». Se concentrera sur les réalités parallèles viables. Définira « viables ». Prendra le temps/espace de saisir la pensée au vol. Existera.

« La douce complainte du prisonnier/jamais n'émouvra/les sourds geôliers. »

À l'heure où cet article apparaît sur le net, je suis en train de pratiquer avec application un autre sport de ces disciplines hautement prisées en ces périodes polaires : la bâfrerie élégante. En effet je n'ai pas sacrifié la saveur d'un volatile à la publication d'un article. Faut pas déconner : l'écriture, c'est bien, mais hé, ça ne fait pas le poids face à une bonne volaille.

« Évoquons ta mère. »

« C'est un orc-surprise ! »

Il fallait aussi que je parle de quelque chose d'important. C'est certain : en venant ici j'avais dans l'idée de dire quelque chose, c'était très important. Rien n'aurait su m'en dissuader pourtant. Mais j'ai oublié. Je devais parler de quelque chose d'important et j'ai oublié. Pourtant, il s'agissait de quelque chose de vraiment important. Je veux dire, en venant ici je n'aurais jamais pensé pouvoir l'oublier. Mais j'ai oublié, et pourtant c'était tellement important. Je me souviens d'être venu ici avec dans la tête la conviction que j'allais dire quelque chose d'une importance capitale. J'avais véritablement quelque chose d'important en tête en venant ici, que je m'apprêtais à dire. Je devais en parler, mais j'ai oublié. Pourtant je n'ai pas oublié que j'avais en venant ici quelque chose d'important dont il fallait que je parle. Car c'était si important que je ne pensais pas pouvoir l'oublier. Cela je ne l'ai pas oublié. Ce que j'ai oublié, c'est ce dont je devais parler en venant ici, quelque chose d'important. J'aurais oublié que c'était important, ça ne m'aurait pas dérangé, si je n'avais pas oublié ce que je devais dire. J'ai oublié ce que je devais dire, malgré toute l'importance de la chose. Cela n'arrive pas tous les jours, d'oublier ce qu'on a de si important à dire ; souvent il arrive que l'on oublie des choses peu importantes au regard des choses vraiment importantes. Pourtant c'est une de ces choses vraiment importantes que j'ai oubliée en venant ici. Je veux dire, je m'en souvenais encore avant de venir ici, je m'en souvenais et je me souvenais que c'était important, qu'il fallait que je le dise. Et puis en venant j'ai oublié ce que j'avais à dire de si important. Et pourtant, l'importance primordiale de cette chose dont je devais parler aurait dû m'empêcher d'oublier. Mais j'ai oublié sans songer à l'importance de ce que j'oubliais. Il m'arrive comme ça d'oublier des choses importantes, mais jamais d'oublier l'importance de ces choses. Et je ne me souviens jamais des choses qu'il me fallait dire. Toutes les choses importantes que j'oublie sont à jamais oubliées. Comme cette chose, celle-là même dont je devais parler en venant ici et qui était importante. Je crois même qu'il s'agissait de la raison de ma venue. J'ai oublié une chose importante qui était aussi la raison de ma venue. J'ai oublié la raison de ma venue, une chose importante dont je devais parler, mais je n'ai pas oublié de venir, puisque je suis là. Je suis là, mais j'ai oublié pourquoi, car j'ai oublié une chose importante que j'avais à dire et qui était la raison de ma venue. Je ne serais pas venu si je n'avais pas eu quelque chose d'important à dire. Je n'aurais pas dû venir, puisque j'ai oublié cette chose dont il me fallait parler, et qu'elle était la raison pour laquelle je devais venir. Mais je suis venu, et la raison de ma venue, je l'ai oubliée en même temps que j'ai oublié cette chose d'une si grande importance qu'il me fallait dire. Et maintenant je suis venu et je n'ai rien à dire, j'ai oublié ce qu'il me fallait dire. Tout ce que je sais, c'est qu'il s'agissait de quelque chose d'important.

« La vanité du creux, ce sont les couches autour d'un noyau de vide. »

« Il est l'heur de dormir. »


Végétalement vôtre,
John




* Mais ils sont difficiles à mâcher.

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