dimanche 5 décembre 2010

Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière

  - Veuillez poser ce plat à côté du vase, Raoul Guy.
  – Oui mère.
  – Et venez donc par là un instant.
  – Oui mère.
  – Ooooooohh, mais qu'est-ce que cela ? Vous me ferez le plaisir de le confier à James au plus vite, il s'en occupera !
  – Bien mère.
  – À présent vous pouvez sortir, René Gloire-à-dieu. Soyez à l'heure !
  – Oui mère.

   Et il sortit, il se rendait à la taverne la plus proche. C'était devenu comme sa deuxième maison…
Au début, trois mois plus tôt, son habit de noble avait suscité des remarques poisseuses et des rires gras, mais on s'était peu à peu habitué à lui. Désormais il entrait et sortait comme n'importe quel soudard de Sa Majesté. On ne lui posait plus de questions, on ne se moquait plus de lui ; on l'ignorait, simplement.

   Mais pas ce soir. (Cliffhanger insoutenable, saurez-vous patienter jusqu'au chargement de la page ? promis, c'est la seule parenthèse qui bousille le rythme de la narration ; c'est déjà assez chiant comme ça, si en plus il devait y en avoir d'autres…)
   Ce soir il y avait un inconnu, un type sous un lourd manteau de voyage. Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière était à sa table, seul devant son verre, quand le type entra. Celui-ci le vit attablé dans son coin, lui jeta un regard bref, s'avança vers le comptoir. « Une bière. » fit-il. Quelques secondes passèrent, dans le bruit de fond des conversations. Puis il se tourna à nouveau vers Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière et lui jeta : « hé ! L'aristo ! Il y aurait pas comme quelque chose qui va pas ? » Il y avait une quinzaine de clients dans la salle. Quelques uns levèrent leur nez de leur verre ou interrompirent leur conversation. Ils sentaient venir la tension, mais pas question de défendre un noble. L'ignorer, c'était déjà pas mal…
   Le type fit quelques pas vers la table de Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière, le regard fixé sur lui, vaguement scrutateur. « Votre bière. » fit le barman. L'homme s'arrêta, revint au comptoir, paya sa boisson et sembla se désintéresser de Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière. Quelques minutes s'écoulèrent, l'homme restait accoudé au comptoir, buvait tranquillement sa bière. Puis il prit sa chope, se retourna et vint lentement s'asseoir en face de Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière. « Dis-moi, l'aristo, tu te sens à l'aise ici ? »
   Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière resta silencieux, le regard plongé dans son verre. « Ho, je te parle. » le ton était plus froid. Le silence se fit aux tables alentours. Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière leva les yeux et fixa l'homme. « Ah ben enfin, t'as des yeux. T'as une langue, aussi, tu sais t'en servir ?
  – Oui.
  – Formidable ! Alors, tu te sens bien ici ?
  – Non.
  – C'est quoi ton problème alors ? Pourquoi t'es là ?
  – Je bois.
  – T'es con ou quoi ? Je vois bien que tu bois, je te demande ce qu'un putain d'aristo vient foutre ici ! il avait élevé la voix, le silence gagna du terrain autour d'eux.
  – Je bois, c'est tout.
  – Tu me prends pour qui ? Tu crois que je sais pas ce que tu fais ?
  – Je ne fais rien.
  – Ah ouais ? Ben moi je dis que tu me prends pour un con. J'ai jamais aimé qu'on me prenne pour un con.
  – Je ne veux pas d'ennuis.
  – Tu veux pas d'ennuis, hein ? Oh mais pardon ! fit l'homme en se levant. Pardon Monseigneur le Noble, je ne voulais pas vous déranger dans votre tranquillité. »
   Il s'inclina.
   « Mais je vois bien que vous ne voulez pas discuter avec le pauvre misérable que je suis. Permettez-moi de vous offrir une boisson. » Il héla le barman : « une bière pour l'aristo, c'est moi qui offre ! » Le barman apporta la boisson et s'empressa de regagner son comptoir. Ne jamais se mêler des affaires des clients, tant qu'elles ne faisaient pas de dégâts.
   L'homme leva la chope et se figea quelques instants ; puis il dit à Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière : « t'aimerais bien que je te la verse sur la gueule, hein, l'aristo ? Je suis sûr que t'aurais des tas de choses à raconter sur les gars de mon genre, comme ça. Ben non, je te l'offre, cette bière. Parce que je suis pas comme vous, moi, je suis pas un salaud de noble. » Il écrasa violemment la chope sur la table. « Et maintenant, bois ça, l'aristo, fais-toi plaisir. À la revoyure. » L'homme remit sa capuche et sortit.
   Raoul Guy Jules René Gloire-à-dieu Balthazar de la Chateaubrière resta sans bouger à sa table, comme si rien ne s'était passé. Il avait l'habitude.

15 commentaires:

  1. Changement de police désagréable.

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  2. Oh, ce dut être la justification du texte qui troubla ta vision. Mais c'est une démarche novatrice, ça ne se refuse pas.

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  3. +1 à la justification.

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  4. Le « là c'est mieux » pouvant être interprété étrangement, je précise que la police n'a jamais changé, juste au cas-où.
    La justification, c'est l'avenir.

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  5. J'me disais aussi ...
    Malheureusement, la justification n'est pas l'avenant.

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  6. Oh, juste : quelle est la traduction de « チャルスカ » ? Si ça n'interfère pas avec ton aspiration à l'anonymat, bien sûr =)

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  7. チャルスカ ; le retour !10 décembre 2010 à 08:11

    Elle sait, elle sait ! Qu'elle nous éclaire de ses lumières !

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  8. Oh, c'trop d'honneur, mais je te laisse le délice de révéler ton identité traduite sur Reverso. Allez, vas-y, sois pas timide.

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  9. チャルスカ ; la vengeance ...10 décembre 2010 à 17:34

    Sur réverso ? Damned, je suis fait ! *File vérifier si réverso l'a bel et bien trahi ...*

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  10. チャルスカ, la vengeance du retour !10 décembre 2010 à 17:36

    Mouais ...
    L'est pas si bon que ça le réverso ... quand même.

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  11. C'est suffisant pour saisir la grande subtilité du nom. Mais tu as raison, Google Translation passe mieux.

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  12. Et sinon, il fait beau aujourd'hui.

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