jeudi 9 décembre 2010

Non fui, fui, non sum, non curo.

La paresse est la chose du monde la plus tristement partagée.

Toute référence inconsciente a Houellebecq est inconsciente.

Parler de la mort, un peu. Après tout, c'est une amie si proche. Il faut bien lui rendre hommage de temps en temps, quand elle regarde ailleurs…

C'est l'affaire de tous, la mort. C'est l'affaire de tous, et la chose la plus personnelle. On essaie tour à tour d'admettre, de fuir, de s'en défier, de l'affronter, de l'oublier, et puis elle revient. La mort revient au galop, toujours. On ne s'accoutume jamais à l'idée, la mort n'admet pas l'habitude. On peut faire semblant longtemps, faire semblant très bien. On peut croire qu'on en a déjà terminé, qu'on a expédié le problème en deux coups d'esprit. Prétention ridicule, elle revient nous cueillir en embuscade au détour de nos pensées. Mais si nous n'avions pas la mort, nous pauvres humains ne sentirions pas la vie. Idée simpliste, certes, mais qui ne manque pas de moustache. La mort est une vieille amie, donc.
Indifférence face à la mort ? Peanuts ! Sans la mort nous ne serions capables de rien, le temps n'aurait plus de sens, et nous serions sans âme. Sèche tes larmes, petit ; la mort finira par t'avoir toi aussi, ce n'est pas si grave.

Parler de la mort, c'est bien beau, mais en fait même pas. Ça ne mène finalement qu'à parler de la vie. On ne parle bien que de ce qu'on vit, le reste on ne peut que le peindre. Aphorismes. Quelque chose peut-il être beau et vrai ? La douleur peut-elle être rendue belle ? N'est-ce alors plus que de la beauté ?

Blague :
Un scaphandrier est en pleine plongée au fond de l'océan, quand il reçoit un message radio du bateau. Le mec lui annonce d'une voix affolée : « Remonte, on coule ! ».

Dingue à quel point on se comprend inculte dès lors qu'on vient se frotter à quelque chose d'un peu plus au-dessus que son ordinaire. Le sentiment d'inculture mériterait presque un monument tant il est générateur ; mais tout de même, il est tout autant désagréable. Comme cette manie de vouloir que sa prose, sa syntaxe, ressemble à quelque chose que l'on suppose idéal. S'approcher de la beauté par l'entraînement de soi vers des contrées qui finiront par ne plus être soi. Mais c'est aussi ça, l'essence de l'exploration : sortir de son espace, quitte à y revenir ensuite.

Rester en soi pour toujours est tout de même bien pauvre et triste à la fois. Quel que soit le soi auquel on a affaire, il ne peut suffire seul à l'appétit d'une vie qui se sent le besoin irrépressible d'aller puiser dans ce qui est autre. Et toute vie devrait avoir ce Verlangen nach Leben, cette aspiration à l'être vivant (verbe). Épicure, en somme. Dies et hora à cueillir, la récolte n'attend pas.

C'est encore pire que d'habitude, n'est-il pas ? La construction, les phrases, les mots, le sens même, tout ceci mélangé, en quantités variables, et déposé à la louche ? Oui, cela est pire que d'habitude. D'habitude il y a un effort, l'effort d'aller vers quelque chose, ou de venir de quelque chose, ou d'être dans quelque chose. Peu importe, il y a toujours ce quelque chose, auquel on peut revenir incessamment.
Mais quand l'objet s'efface, ne restent plus que la pensée, l'écrit, et la paresse. C'est ce mélange-là au goût amer de l'informe, qui s'étale. C'est la pensée paresseuse qui se promène de part en part, sans souci de direction, détachée de son objet, alourdie par son manque de substance.

Le choix de la facilité n'a somme toute d'attrait que sa brillance, et ne laisse que peu de place à sa séduction. C'est une impasse où ne se prélassent que les satisfaits et les exilés, où les autres se sentent incomplets. Faire ce choix, c'est faire le choix de mourir par absence de vie. C'est choisir le délaissement de soi.

Frappante vacuité du passage sur la mort, constatera l'écriveur rétrospectif devenu lecteur. Un peu plus que du reste, du reste.

3 commentaires:

  1. Lapin matin, Lapin chagrin9 décembre 2010 à 12:04

    (Sur rythme et ton de scansion syndicaliste durant une manifestation)
    Justifiez les articles ! Justifiez les articles !
    (Même que ça fait un alexandrin ... )

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    Ad Lib ...

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  2. Oui mon lapin, c'est entendu.
    J'avais oublié, c'est vrai, mais je n'ai pas à me justifier – il fallait la faire avant qu'on ne cesse d'en parler, merci pour l'occasion.

    (Dans une scansion syndicale, effectivement, ce sont des alexandrins. Sinon, ça fait une bête à treize pattes.)

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  3. S'toi la pâte.

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